Vous avez dit "Maison de Retraite" ? Comme c'est bizarre....

12/03/2015 13:45
Lorsque nos parents deviennent ingérables pour une famille normalement constituée, ou lorsque leur état de santé n'est plus « conforme » aux règles du politiquement correct, ou tout simplement parce que leur capacité intellectuelle ne correspond plus aux normes définies par notre société, d'aucun songe à les « placer » en maison de retraite, une EHPAD ( Établissement d'Hébergement Pour Adulte Dépendant) plus exactement, médicalisée de préférence. Ces établissements, construits avec des fonds d'origine privée, pour pallier à l'incurie de l’État à construire ce type de logements, fonctionnent paradoxalement en partie avec l'argent de l'état. Sans doute ce moyen donne à ce dernier l’occasion de se forger une bonne conscience !
Je connais bien ces établissements puisque je travaille au sein de l'un deux. Donc mes dires sont le reflet d'une vérité qui peut être vérifiée tous les jours !
Fondé  par un particulier dont le principal trait de caractère était du type « soupe au lait » mais qui savait privilégier l'humain tant pour ses collaborateurs que pour ses pensionnaires, l'EHPAD BS est toujours d'actualité (on la nommera ainsi pour en préserver l'anonymat de ses occupants ). Comme beaucoup, cet établissement est passé entre les mains de grandes enseignes qui s'en disputeront la propriété, pour être maintenant dans l'escarcelle d'un des premiers grand groupe français de maisons de retraite, coté en bourse. Il faut dire que le gâteau rapporte gros, même si l'investissement de base reste non négligeable. Le principe est simple : un individu privé, comme vous ou moi, investi dans une chambre, qui doit à son tour être louée à un pensionnaire pour rapporter des dividendes, une partie desquels est ensuite redistribuée à l'investisseur. Lorsque ce système est appréhendé, il est très facile de comprendre son fonctionnement ! L'humain devient business, et le business étant humain, la boucle est bouclée ! Il faut aussi comprendre que ces groupes ont pour but de faire de l'argent, et souvent, leurs dirigeants appliquent à leur travail les mêmes notions que s'il s'agissait de vendre n'importe quelle marchandise. Sauf que là, on parle d'hommes et de femmes, qui, l'âge aidant, se retrouvent dans l'incapacité de faire, de dire, de croire... Ne perdons pas de vue qu'ils ont eu une jeunesse, des enfants, une vie à part entière. Comme vous, comme moi, comme nous. D’où l'évincement de son ancien Directeur, qui ne semblait pas correspondre aux critères administratifs nouveaux : trop d'humanité sans doute, et pas assez de poigne envers le côté obscur du business nouveau !
Situé sur la Côte dite d'Azur, cet établissement est devenu, de par ses nouveaux composants directionnels, une stèle élevée au mensonge  ! Mensonges envers ses résidents, (dont, à titre d'exemple, la brochure reste à dix lieues de la vérité ) ; mensonges sur l'argumentaire de vente, où le Commercial attaché à l'établissement a une sérieuse tendance à oublier qu'il s'adresse à des familles en détresse, désorientées, paniquées par l'état de santé de leur parent...pour louer une chambre qui vient de se libérer, parfois la veille même ; mensonges envers les collaborateurs, des collaborateurs de qualité, qui travaillent avec dévouement et abnégation, à qui on promet toujours mais hélas sans aucune concrétisation, sans lâcher de geste humanitaire , ni de concession salariale, avec seulement la délation pour récompense ! Toujours demander plus au personnel soignant, sans aucune augmentation des effectifs , alors que l'on sait pertinemment que l'on ne peut changer les amplitudes horaires, qui, dans le cas contraire, le seraient ! Il semble de plus, sur le plan administratif, que l'on s'adonne à une devise : « pourquoi faire simple si on peut faire compliqué »... Par contre, beaucoup de « aucun problème, ce sera fait » qui ne restent qu'au stade larvaire , l'essentiel étant de faire tourner la maison avec le plus de bénéfices possibles, donc avec le moins de dépenses autres que celles constituant uniquement de la poudre aux yeux ( peinture, décoration, etc...) Et là dessus, le management est à son affaire , et connaît bien la musique. Il en est ainsi, ne vous leurrez pas, dans de nombreuses EHPAD.
Travailler en une telle ambiance reste un challenge de tous les jours, épuisant les ressources qu'un homme ou une femme est capable d'endurer. Alors, dans ce cas, à quoi peuvent bien servir les « évaluations » dont nous sommes régulièrement assaillis chaque année ?
Les notions de maltraitance et d'insécurité, qui subissent l'assaut perpétuel de courriels, de « mémos », de circulaires, de notes de service, d'arrêtés, de formulaires, de stages et autres réjouissances concoctées par des fonctionnaires assis derrière un bureau dans un ministère, et qui ont comme caractéristique de n'avoir jamais travaillé au sein d'un établissement, ont une tendance certaine à devenir de plus en plus rares et constituent en cela le seul point positif. Point que l'on fait miroiter aux familles, comme une sorte de montagne qui cache l'existence d'une forêt.
Sachons rendre un hommage certain aux Aides soignantes, à leur réel dévouement, à leur humanité, qui contrastent sérieusement avec certaine hiérarchie, de même qu'au personnel d’hébergement, qui fait un maximum avec un minimum. Mais cela serait une autre histoire. Une sorte de jeu d'échecs, d'où l'on ne sort jamais gagnant.
Reste un côté positif : j'y ai trouvé des camarades de travail dont la présence n'a pas de prix.
J'y ai trouvé aussi quelques ennemis... Ce qui ,non plus , n'a pas de prix !

 

A lire  :
 « Maman, est-ce que ta chambre te plaît ? » d'un ancien infirmier en EHPAD, Williame Réjault, qui en dit beaucoup.
A méditer : le même bouquin !

 

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Un peu de lecture :

"Comment braquer une banque sans perdre son dentier" de Catharina Ingelman-Sundberg.

"Le vieux qui ne voulait pa fêter son anniversaire " de Jonas Janasson.